L’épidémie de Covid-19 nous touche tous, individuellement et collectivement. En tant qu’acteurs du bâtiment hospitalier, nous souhaitons amorcer l’analyse de cet évènement sans précédent et proposer des pistes de réflexion sur ce que pourrait être l’hôpital de demain.
Les derniers mois nous ont enseigné une première chose : cette crise a révélé une immense solidarité entre les personnels hospitaliers ainsi qu’une grande capacité d’adaptabilité. Adaptabilité qu’il est indispensable de soutenir dans la conception et la construction d’un bâtiment hospitalier.
Bien sûr, la démarche n’est pas nouvelle : quel programme n’intègre pas un chapitre sur l’évolutivité des constructions et leur possible réversibilité ? Toutefois, qui n’a pas été confronté à des choix stratégiques qui imposent de réviser les ambitions initiales ?
Le moment est certainement venu de retravailler le concept de modularité, compte tenu de la crise actuelle afin de questionner à la fois les principes organisationnels, les surfaces et les surcoûts que représenteraient les mesures à prendre.
Pour que demain, toute situation exceptionnelle ne soit pas subie mais anticipée, avec des amorces de réponses dans la conception intrinsèque de chaque nouveau projet.
Penser les espaces adaptables et évolutifs dans le bâtiment hospitalier
A2MO milite depuis des années en faveur de la contiguïté de secteurs ayant une même logique de prise en charge ou de technicité, afin de proposer des lieux à frontières variables, permettant évolutivité et reconversion.
Cette réflexion mérite d’être poursuivie pour procurer les moyens de réagir face à une pandémie, tout en assurant des logiques de parcours cohérentes en fonctionnement de routine. Ainsi, les lits de soins critiques, s’ils sont pensés en unité de lieu, pourront plus facilement être réaffectés selon les besoins, avec un niveau de sécurité satisfaisant.
On ne peut évoquer l’adaptabilité du bâtiment sans appliquer cette notion au capacitaire : si jusqu’à présent, il était communément admis que l’évolutivité consistait à prévoir des chambres dédoublables en cas d’hôpital en tension, la crise actuelle montre la grande limite de l’exercice tant la chambre double est à proscrire dans ce contexte Covid-19 très particulier.
Il est peut-être temps de proposer d’autres alternatives. Reste à inventer ces futurs concepts : tendrons-nous vers la prévision d’unités tampons en réserve, qui ne serviraient que dans le cas de tensions exceptionnelles ?
Mais ne faut-il pas à l’avenir, considérer que les tensions sanitaires seront récurrentes ? Et, dans ce cas, ne faudrait-il pas pouvoir proposer ce premier niveau de réponse, sans pour autant arrêter tout le fonctionnement de la structure ?
Autre option, peut-être nous orienterons-nous vers de possibles reconversions de secteurs, à condition d’identifier très en amont quelles seraient ces zones et à quels usages les réaffecter. Un secteur tertiaire des urgences pourrait alors être transformé en secteur dédié aux patients non programmés « Covid-19 » ; un service d’hôpital de jour, dont l’activité aurait été déprogrammée, pourrait recevoir ce flux imprévu. Les deux propositions pourraient même être envisagées, de manière conjointe.
En ce qui concerne les organisations, cette crise aura par ailleurs révélé que les modes de travail évoluent, avec des travailleurs à distance et le développement des actions en « télé » : télétravail, téléconsultation, télédiagnostic. Autant d’éléments qui interrogent sur la typologie des espaces de travail, les évolutions engagées et celles restant à venir avec l’appui du numérique.
Isoler les patients pour les protéger et préserver les personnels soignants
Cet objectif recouvre tout à la fois les frontières physiques à mettre en place, les principes techniques qui permettront d’atteindre les isolements envisagés, les distinctions à prévoir pour les flux de personnes, voire pour les flux logistiques.
Grand sujet de préoccupation, bien avant l’actuelle épidémie, la volonté d’isoler certains types de patients s’est traduite, en fonction des projets, par la mise en place de chambres avec sas « judicieusement réparties » ou d’unités de cohorting, c’est-à-dire des unités dimensionnées pour accueillir des patients porteurs de bactérie hautement résistante (BHR).
A l’aune de nos expériences récentes, s’agira-t-il de généraliser des chambres avec sas, des séquences de chambres dissociables du reste d’une unité, des unités dissociables entre elles, ou même un plateau d’hospitalisation complet ? Quitte à remettre en cause la notion de moyens mutualisés à l’échelle de plusieurs services ?
Anticipation et investissement dans le bâtiment hospitalier
Bien évidemment, toutes ces modularités et ces concepts nécessiteront des dispositions particulières.
D’abord au niveau des surfaces : aujourd’hui, efficience oblige, chaque mètre carré construit est pensé en termes d’optimisation des stocks, optimisation des moyens, optimisation des espaces, optimisation des circulations… Et ce mètre carré doit rester dans des limites issues de référentiels.
Si ces derniers étaient déjà depuis quelques temps malmenés, le contexte actuel tend à s’interroger sur leur pertinence : ne faut-il pas construire, non pas plus mais différemment, pour préserver l’avenir et soutenir nos hôpitaux dans leurs missions ?
En second lieu, les dispositions techniques qui régiront l’hôpital de demain devront évoluer pour tenir compte des objectifs de modularité et d’évolutivité recherchés. Ainsi, peut-être reviendrons-nous sur le concept d’étage technique complet intégré à un bâtiment hospitalier ?
Ces aménagements auront un coût, c’est certain, mais la crise sanitaire que nous vivons impose de nous interroger sur la façon d’investir dans l’immobilier hospitalier.
C’est en œuvrant collectivement que tous les acteurs du monde hospitalier pourront ensemble tirer les leçons de cette crise et construire pour demain un hôpital encore mieux préparé, plus agile et plus innovant.
L’expertise A2MO
[Nos métiers de stratégie immobilière et de programmation nous confèrent une vision transversale de l’hôpital et du bâtiment hospitalier. Nous travaillons en amont sur les projets, en participant à l’impulsion, puis au questionnement et à la concrétisation des besoins. Dans un programme, nous développons ainsi des axes fondateurs, sur lesquels s’appuieront les architectes et les autres métiers du secteur, pour concevoir le bâtiment. Avec ses suivis opérationnels, A2MO possède également une expérience de terrain, riche d’enseignements.]